
Briser les barrières : Rencontre avec Victoria, pionnière de la mixité dans le BTP
D’après l’Observatoire des métiers du bâtiment (janvier 2024), la mixité progresse, mais les femmes ne représentent encore que 12 % des salariés du BTP. Les entreprises sont pourtant de plus en plus nombreuses à reconnaître les bénéfices de la mixité : performance, recrutement, cohésion...
Rencontre avec Victoria, en 2ème année de CAP Monteur en Installations Sanitaires sur notre site de formation de Besançon.
L’influence de la famille et des proches compte beaucoup dans les choix d’orientation. Quel impact cette influence a-t-elle eu pour vous ?
« Ma sœur, qui est ma tutrice, m’a conseillé de m’orienter dans le domaine du droit. Après mon BAC Littéraire, je suis allée en fac de droit, mais ça n’a pas marché. Il faut tout apprendre par cœur et beaucoup de rigueur. Après, je suis repartie en licence littérature, je suis fan de la culture anglophone. Je cumulais des emplois le week-end, des semaines de travail de 7 jours, j’avais plus envie de trimer encore.
Mon copain réalise beaucoup de travaux, je l’aide tout au long de l’année. Ma famille a rénové leur maison, ils avaient besoin d’aide, j’ai posé les rails et l’isolation. C’est par le biais du meilleur ami de mon copain, Mathias, qui travaille au CFA, que j’ai eu connaissance de ces métiers et de la possibilité de préparer une formation au CFA ».
Pourquoi ce choix d’orientation ?
« Dans le cadre de mes jobs étudiants, j’ai été confrontée à des remarques dévalorisantes, le sentiment d’être un pion. La plomberie me correspond puisqu’il faut avoir de bonnes connaissances et il n'y a pas de port de charges trop importantes. »
Avez-vous hésité à rejoindre un environnement majoritairement masculin, où les modèles féminins sont rares ?
« Non, au contraire c’est un motivateur. On voit beaucoup de femmes sur les réseaux sociaux, comme en carrelage. Si elles peuvent le faire, je peux le faire. »
Vous n’avez pas sollicité l’aide du CFA pour trouver une entreprise. Avez-vous eu des difficultés à trouver votre employeur ?
« Non, c’était un coup de chance, j’ai appelé une dizaine d’entreprises. Je n’ai pas eu le sentiment d’être discriminée. Mon employeur veut faire avancer les choses. Ce n’est pas un métier genré et c’est accessible à tous. Lui aussi, c’est un de mes piliers car je ne savais pas ce qui m’attendait au départ. »
Comment se passe ce début de formation ?
« J’ai passé des tests en juillet avec une préconisation pour un contrat réduit en un an. J’ai pris mes marques en atelier, M. Stokic (Formateur au CFA) est incroyable. J’avais une inquiétude sur le fait d’être une femme, mais il m’a donné tous les cours de l’année dernière, il est vraiment présent. »
Êtes-vous bien intégrée en entreprise ? Au CFA ?
« En cours avec les BAC PRO, ils viennent m’aider, il n’y a aucun propos inapproprié, je m’attendais au pire, mais on est de la même génération. »
« En entreprise, très très bien, je suis ravie, il est pédagogue et prend le temps de m’expliquer. Je suis actrice, il me laisse faire des tâches (poser des radiateurs, faire des raccordements). Mentalement, je suis heureuse, j’ai envie d’apprendre même si je suis effrayée par le chalumeau. Il a pris le temps, m’a rassurée et m’a dit de persister. Contrairement à mes anciens emplois d’été, mon employeur est très respectueux. J’ai pu rencontrer ses fournisseurs, on a mangé ensemble le midi. J’avais l’appréhension d’être mise à l’écart. Au contraire, les échanges étaient agréables, on a échangé sur nos parcours. C’était un accueil 2024, les choses ont changé. »
« Chez les particuliers, j’ai vu beaucoup de réactions positives de la part des clientes qui étaient ravies de me voir travailler dans ce métier. »
Rencontrez-vous des difficultés particulières liées à votre choix de métier ?
« Non, c’est accessible. Il ne faut pas avoir peur de se salir, mais c’est faisable. »
Qu’est-ce que vous appréciez particulièrement dans ce métier ?
« Dans la plomberie, c’est le fait de se casser la tête, la complexité du métier. »
Que diriez-vous aux femmes qui s’interrogent sur ces métiers ?
« J’avais une crainte pour l’utilisation de l’outillage, j’ai toujours besoin d’acquérir de nouvelles compétences, mais ça s’apprend. J’ai vu que c’était possible de faire le métier qu’on veut, quel que soit son genre.
Il faut effacer ses préjugés ! Il y a des femmes partout, dans le métier de routier, de carreleur. Les capacités sont égales, il n’y a pas de genre dans les métiers. Il faut que les femmes se lancent, aillent sur les chantiers. »